Michel Heyraud vous invite à découvrir le moulin de Quintenas.

Le pont du Moulin-sur-Cance a belle allure au milieu d’un ensemble de ruines qui témoignent d’un riche passé industriel de cette vallée de la Cance. Depuis sa restauration en 2012, si les très nombreux visiteurs s’interrogent sur l’origine de ce pont, ils se demandent aussi quelle était la fonction de ces imposantes carcasses.

Michel Faure, historien local, retrace l’historique de l’usine du Moulin-sur-Cance depuis sa création vers 1860 dans son ouvrage Un clocher une histoire paru en 1974.

Mais le site connut une autre activité depuis très longtemps. Il en reste quelques traces : ruines, dates, documents.

Le pont sur la Cance et la rive droite avec les ruines du moulin • Photo Michel Heyraud

Quelques mots sur un linteau…

Le linteau et l'inscription • Photo Bernard David

À quelques pas du pont, sur la rive droite de la Cance (côté Quintenas), sur le linteau de la porte d’un bâtiment d’habitation en ruine sont gravées les dates suivantes : 1558 et 1567 et ce texte : L’AN 1567 LE JOUR ST MICHEL L’EAU EMMEN LE MOULIN. Un des mots, sur la gauche, n’a pas été déchiffré.

La première date, 1558, ne fait référence à aucun événement historique connu. Il s’agit d’une période difficile de notre région puisque commençaient les troubles religieux. Achille Gamon, avocat, était consul d’Annonay et dans ses Mémoires il nous raconte ce que furent les guerres de religion dans le Haut-Vivarais. Si de nombreux lieux de notre région où se déroulèrent ces événements sont cités, le site du pont n’est pas évoqué. Alors on peut penser qu’il s’agit soit de la date de la construction, soit plus probablement d’une restauration du moulin. La seconde date par contre rappelle un événement climatique décrit par Jean-Antoine Poncer dans Mémoires historiques sur Annonay et le Haut-Vivarais.

Le lundi 27 octobre 1567, les rivières d’Ay, de Cance et de Déome débordèrent derechef et si prodigieusement que beaucoup de personnes se croyaient à la veille d’un nouveau déluge de Noé. Cette inondation arriva sur les huit heures du soir, accompagnée d’éclairs et de tonnerres effrayants. Plusieurs maisons du faubourg de la Valette, de Déome et du Savel furent ruinées ; les moulins depuis Boulieu jusqu’au Rhône furent emportés.

Bien d’autres crues furent catastrophiques pour les industries implantées sur les rives de la Deûme ou de la Cance. Ainsi en 1691, 1700, 1800. Les 22 et 23 octobre 1800 la Cance monte de huit mètres, envahit les mégisseries et les tanneries. Elle emporte sur dix mètres le quai de Merle et démolit entièrement le moulin de l’Auvergnat. Le moulin de Quintenas lui aussi eut à subir ces terribles assauts.

Ce linteau utilisé en remploi par la suite nous indique donc qu’il y avait là un moulin mais rien ne dit qu’il y avait un pont. Les habitants de Vernosc venaient-ils aussi moudre à ce moulin après avoir traversé la rivière ? On peut en douter car on sait qu’il y avait plusieurs moulins sur la rive gauche de la Cance et qu’au Moyen Âge on devait obligatoirement utiliser le moulin du seigneur local. Mais, pour se rendre d’un village à l’autre, ils pouvaient passer à gué, en barque, sur une passerelle ou certainement en utilisant les digues construites sur la Cance pour canaliser l’eau alimentant les différents moulins.

Avant d’en dire plus sur le moulin de Quintenas voici un bref historique sur les moulins depuis leur invention par l’homme.

Invention du moulin et diffusion

Broyeurs et traction

En savoir plus

Force hydraulique

En savoir plus

Les moulins de la Cance

Les moulins sur la Cance : 1 • Moulin Barou - 2 • Moulin Périandre (Fanget) - 3 • Moulin Quintenas - 4 • Moulin Fauger (La Fougère) - 5 • Moulin Tortel (Tourtel) - 6 • Moulin Toy (Thoué) - 7 • Moulin Suis (Assuis)

La carte de Cassini, première carte topographique et géométrique établie dans le royaume de France vers 1750, nous indique l’emplacement des moulins à cette époque.

On compte sept moulins depuis le moulin de Barou jusqu’à celui d’Assuis. Trois sont conservés et utilisés aujourd’hui pour produire de l’électricité par turbinage : Barou, Tourtel et Assuis.

Pour les autres, Péréandre (Fanget), Quintenas, La Fougère et Thoué, quelques indices signalent leur emplacement. Jean-Claude Gamon de Vernosc est sans doute le seul à pouvoir encore les repérer et servir de guide dans la végétation envahissante du lit de la Cance, en particulier la renouée.

Le moulin du prieuré

Charte de Charlemagne • An 776 • AD du Jura, 2 H 16 n° 1

776

Le document le plus ancien témoignant de la présence d’un moulin est une charte de Charlemagne de 776.

Dans ce document neuf églises dont Quintenas sont données à l’abbaye de Saint-Claude avec toutes leurs possessions dont les moulins : « IN NOMINE DOMINI… » (cliquez pour voir le texte).

À compter de cette date et bien que les bâtiments abritant ce prieuré fussent démolis lors des guerres de religion, il assurera des revenus à ses différents possesseurs jusqu’à sa suppression au moment de la Révolution. Les moulins, comme nous l’avons vu, étaient une source de revenus importante.

1532

En 1532 une transaction a lieu entre le prieur, François de Tournon, et les habitants de Quintenas à propos du moulin. (Notaire Joly de Satillieu)

1540

En 1540 Antoine Faure est meunier. (Notaire Trémollet)

1592

Mais le document le plus complet à propos du moulin est le compoix (cadastre) de Quintenas de 1592. Celui-ci nous indique qui est le meunier à cette époque ainsi que toutes ses possessions.

« Pierre Faure meunnier du mollin de quinthenas… » suivent les différents éléments pour lesquels il est imposé ainsi que le montant des bases de l’imposition de chaque parcelle en fonction de son estimation : « une vigne au terroir de b… » (cliquez pour voir le texte).

Sur ce document, le chemin qui mène au moulin est désigné comme étant « le chemin qui va au moulin du prieuré ». Mais là encore il n’est pas question de pont.

Il nous indique aussi que ce moulin possédait une pierre de chanvre. En effet les moulins permettaient de moudre le blé mais pouvaient avoir d’autres usages comme nous l’avons déjà signalé et celui-ci produisait de l’huile de chanvre. À cette époque le chanvre était indispensable pour l’huile qu’on en tirait mais aussi pour ses fibres qui servaient à fabriquer cordes et toiles. Tous les résidus étaient utilisés. Des noms de personnes ou de lieux témoignent de cette culture : chenevier, chenevière et canebière dans le midi.

1763

Dans l’acte de vente de la seigneurie d’Ay en 1763 c’est Mathieu Grange qui est meunier du moulin de Quintenas.

Le moulin après la Révolution

Le moulin de Quintenas en 1832 • Extrait cadastre napoléonien

1826

Jean-Marie Vercasson, habitant à Brogieux (Roiffieux), écrit à la Mairie de Vernosc et signale qu’il a construit un pont en bois sur la Cance pour le service de ses propriétés sur la rive gauche.

Il est propriétaire du site peut-être depuis la vente des biens du prieuré en 1790 et ses acquisitions se trouvant sur les deux rives il a construit un pont pour passer d’une rive à l’autre. Comme les communes de Quintenas et de Vernosc n’ont aucune communication directe, il offre de livrer son pont au public moyennant l’entretien du pont et des chemins qui permettent d’y accéder. Il offre aussi le produit de ses moulins aux sœurs de St Joseph pendant un an.

vers 1860

La famille Gleizal, qui possédait déjà une usine sur Vanosc, implanta une usine sur le site du moulin de Quintenas et un pont fut nécessaire lorsque d’autres bâtiments furent construits sur la rive gauche. Après les deux incendies de 1895 et 1909 les bâtiments rive droite furent sans doute abandonnés et l’activité reportée entièrement sur la rive gauche.

1863

Une délibération de Conseil Municipal de Quintenas en date du 22 novembre 1863 nous dit que le sieur Léorat, propriétaire du moulin, demande une aide aux deux communes de Vernosc et Quintenas pour construire un pont.

1888

Le registre d’état civil de l’année 1888 mentionne la naissance de Marius Veyre né le 17/02/1888, fils de Jean Veyre âgé de 37 ans, profession de meunier demeurant au moulin de Quintenas, et de Marie Brunel, âgée de 34 ans. La déclaration est faite en présence d’Adrien Glaizal, âgé de 27 ans, fabricant de soie demeurant au moulin de Quintenas.

Ces documents nous livrent plusieurs informations :

  • Le moulin était encore en activité en 1888. On y venait certainement pour moudre le blé. Mais peut-être aussi pour l’huile. Le propriétaire était le sieur Léorat. Le meunier était Jean Veyre et son épouse Marie Brunel.
  • L’usine, construite en 1860, était un moulinage de soie. Le propriétaire était Adrien Glaizal.
  • Un pont doit être construit. Est-ce en remplacement du pont de bois encore en place ? Celui-ci a-t-il été détruit par une crue ou par le feu ? La délibération étant du 22 novembre 1863, le nouveau pont construit selon la technique Marc Seguin a sans doute été élevé en 1864.

Le moulin aujourd’hui

Pour des raisons de confidentialité YouTube a besoin de votre autorisation pour charger. Pour plus de détails, veuillez consulter nos Mentions légales.
J'accepte

L’histoire de ce site est riche. L’évolution du pont au cours des siècles, son classement à l’inventaire des Monuments Historiques et sa restauration récente suivront bientôt dans un nouveau chapitre.

En attendant n’hésitez pas à vous rendre au moulin ; c’est une belle promenade au départ de Quintenas. Le fléchage est continu depuis la place du Pontet jusqu’au pont sur la Cance (durée environ 1h).

Vous trouvez cette page intéressante ? Partagez-la sur votre réseau !